«Le jumeau numérique est un véritable outil d'aide à la décision médicale»
FORT DE SON EXPÉRIENCE DE JUMEAU NUMÉRIQUE DANS LE SECTEUR DE l' AÉROSPATIALE ET DE LA MOBILITÉ. LE GROUPE DASSAULT SYSTÈMES A OPÉRÉ UNE STRATÉGIE DE LONG TERME POUR UNE APPLICATION DANS LE MONDE MÉDICAL SUR LE PATIENT. CHAQUE ORGANE EST CIBLÉ AVEC l' APPUI DE START-UP DÉDIÉES. ENTRETIEN AVEC MYRIAM BEAVES (3DEXPERIENCE LAB).
Décision Santé: Comment définissez-vous le concept de jumeau numérique en santé?
Myriam Beaves: Il s'agit d'un modèle numérique qui est capable de reproduire les propriétés d'un système à différentes échelles allant du niveau d'une molécule, d'un organe où même d'un hôpital. Ce dispositif sert en tant qu'assistant à la décision et à la prédiction. Même s'il est représenté en trois dimensions, ce n'est pas son unique propriété. Il peut être sans cesse interrogé et évolue de façon de plus en plus fine grâce à l'apport de données réelles via des algorithmes complexes.
D. S. Pourquoi Dassault Systèmes s'est-il intéressé au jumeau numérique en santé et depuis quand?
M. B. D'abord, contrairement à nos concurrents, nous nous positionnons sur une stratégie à long terme (au moins dix ans). Nous sommes partis de notre expérience de jumeaux numériques d'avions ou de voitures pour passer au domaine de la santé. Pour cela, le groupe a racheté en 2014 Accelrys (renommée Biovia), une société américaine de simulation moléculaire qui permet de modéliser in silico des interactions entre un lead pour un médicament et une cible thérapeutique et également de digitaliser l'ensemble des opérations d'un laboratoire de R&D (par exemple le cahier de laboratoire ou la gestion des documents réglementaires). Pour compléter cette offre, le groupe a racheté Medidata en 2019, un spécialiste américain leader de la gestion et de la a numérisation des tests cliniques. Ces technologies deviendront des standards dans le domaine de la santé, nous en avons la conviction.
D. S. Quels sont les cas d'usage que vous avez engagés dans le jumeau numérique?
M. B. D'abord je tiens à rappeler qu'il est très difficile, voire quasiment impossible de modéliser intégralement et précisément un système biologique. C'est pourquoi nous avons décidé de le faire progressivement et de manière ciblée, organe par organe, en commençant par le cœur avec l'initiative Living Heart, conjointement avec les milieux académiques, hospitaliers et la FDA. Notre objectif est de recréer la géométrie d'un cœur ainsi que toutes ses composantes électromécaniques à partir de scanners. Cette solution est d'ailleurs déjà utilisée en routine à l'hôpital pour enfants de Boston. Ce digital twin sert à préparer les interventions lourdes chez les enfants qui souffrent de malformation cardiaque. Concrètement, le chirurgien simule l'écoulement du sang selon différentes configurations.
D. S. Intervenez-vous directement dans ces expérimentations?
M. B. Non, nous accompagnons des start-up innovantes qui travaillent sur le cœur, comme FEops (Belge) qui a créé un jumeau numérique pour placer des endoprothèses cardiaques (voir article ci-dessous). Biomodex est une autre start-up (française) qui recrée des maquettes personnalisées imprimées en 3D d'anévrismes à partir d'un fichier d'imagerie médicale dans le but de simuler la texture de l'artère du patient. Ainsi, le chirurgien peut soit s'entraîner avant l'intervenvention dans les conditions réelles de flux sanguin, soit préparer son intervention.
D. S. Avez-vous des cas d'usages dans d'autres organes?
M. B. Oui, dans le cerveau avec le Living Brain. Ce jumeau numérique qui repro!'électro-encéphalogramme est un véritable outil d'aide à la décision pour cibler la zone que le chirurgien doit prélever dans le cerveau afin d'arrêter les crises épileptiques.
Cette interview a été publiée dans le magazine DECISION-SANTÉ.COM, revue 331 été 2022.
